Voilà bien un paradoxe ! Comment une aspiration largement partagée et souhaitée, vieillir et vieillir bien, pourrait-elle devenir tyrannique ? En devenant une injonction, discrète voire sympathique. L’injonction à » bien vieillir » s’insinue progressivement dans nos mentalités au point de donner forme à notre rapport individuel et collectif à la vieillesse. Vieillissez, mais vieillissez bien ! II faut alors chercher à débusquer cette idéologie du » bien vieillir » là où elle se cache : chez le médecin et dans notre assiette, dans nos vêtements et dans le rapport que nous avons avec notre propre corps, dans les multiples publications sur la vieillesse et dans les médias, dans la peur que nous avons de la mort et dans l’idéologie dans laquelle nous baignons… Si » bien vieillir » devient le projet personnel et politique auquel nul ne saurait déroger, vieillir mal devient une erreur, une faute, presque un délit vis-à-vis de soi-même et vis-à-vis de ceux qui auront à en assumer les conséquences. Il est alors urgent de mettre en question ce que recouvre cette construction idéologique porteuse d’un sens presque invisible tant elle est liée au désir humain. Tyrannie douce qui a pour effet d’asservir nos contemporains et d’exercer une contrainte sur les années de vie qu’ils ont à vivre en vieillissant…