Première plongée dans l’âgisme, ou comment voir la construction sociétale en chacun de nous

Bien qu’ici le sujet traité soit l’âgisme, l’idée sous-jacente est de mettre en évidence qu’il existe des manières d’être, d’agir ou de penser chez chacun de nous qui ne sont pas le fruit de notre propre construction mais induites par la société de façon non consciente.

L’âgisme, ou plus simplement les discriminations liées à l’âge touchent plus particulièrement les plus âgés. Ancrées et intériorisées depuis des siècles, ces formes de discriminations sont difficile à percevoir car elle se sont installées de manière inconscientes dans notre société et nos esprits, et surtout, elles touchent tout le monde (si ce n’est pas le cas pour vous aujourd’hui, ce sera peut-être le cas pour vous demain). D’où vient ce rejet ou cette mise à l’écart de la personne âgée ?

A cette question il existe de nombreuses réponses parmi lesquelles, la peur de notre propre vieillissement, un mécanisme de protection face à la maladie et à la mort (qui rappelons le est inévitable depuis le jour où nous sommes nés), chercher à montrer qui nous sommes en discriminant qui nous pourrions être à l’avenir.

L’âgisme se traduit dans notre société par des manifestations de stéréotypes (ex : les personnes âgées ne savent pas conduire), de préjugés (ex : Penser à tort que l’achat d’un ordinateur n’est pas raisonnable pour une personne âgée car elle n’utiliserait pas pleinement toutes les fonctions de l’appareil), ou encore d’attitudes (ex : simplifier son discours lorsque l’on s’adresse à une personne âgée).
Mais ce qui peut être intéressant à développer ce sont les conséquences de l’âgisme tant sur les personnes discriminées que sur la société en générale.

La mise à l’écart de personnes sur le simple critère de l’âge peut avoir des conséquences économiques et suivant les situations ou l’environnement on peut être considéré âgé par la société très jeune comme dans le marché du travail où c’est le cas dès 45 ans. La personne âgée au travail est perçue comme un travailleur plus lent, qui commence à planifier sa retraite, et cela se traduit par un accès plus difficile à la formation, de moins grandes possibilités d’évolution de carrière, voir d’une mise à l’écart. La personne se sent rejetée et arrive à penser qu’effectivement elle n’est peut être plus si compétente. Elle finit par se désintéresser totalement de son travail et même envisager une retraite anticipée qui n’est pas forcément voulue.
Alors que certains secteurs d’activités manquent cruellement de personnels, il y a une tendance à pousser vers la retraite ou à mettre à l’écart la personne proche de la retraite pour des raisons multiples (baisse de productivité, d’implication), alors même que son savoir et sa présence dans le monde du travail permet une augmentation du savoir et de la productivité des plus jeunes. A force de regarder de façon individuelle la productivité et l’implication du travailleur , on ne se rend pas compte qu’une personne proche de la retraite qui serait moins productive peut tout de même augmenter la productivité des jeunes travailleurs par son savoir et ses compétences acquis tout au long de sa carrière, et plus largement de sa vie. Au travail, mais aussi dans la vie en générale nous ne sommes pas des individus isolés, mais des individus en constante interaction avec d’autres individus. Il est donc nécessaire de prendre en considération le rôle et la place des individus vis-à-vis des autres.
Peut être pourrions nous envisager de mieux traiter les travailleurs approchant de la retraite pour éviter qu’ils prennent leur retraite anticipée ? Peut être pourrions nous utiliser cette force de travail toujours apte afin de transmettre un savoir et des compétences aux jeunes travailleurs ?
Ce ne sont que des pistes de réflexions, mais qui méritent d’être posées.

Cela entraîne aussi des conséquences sociales. La représentation négative des personnes âgées par la société entraîne un maintien des stéréotypes. Même les victimes d’âgisme ont tendance à assimiler les représentations négatives du vieillissement, à se conformer aux stéréotypes véhiculés et ainsi, à restreindre leur liberté dans une sorte d’âgisme auto-imposé (ex : Ne plus aller au bar car ce n’est plus de son âge).
L’âgisme peut avoir des conséquences très néfastes voir dévastatrices pour les personnes qui en souffrent, se sentant rejetées par la société elles vont commencer à de moins en moins sortir jusqu’à se retrouver isolées, tomber en dépression, le tout pouvant conduire au suicide. Surtout que l’isolement peut entraîner des formes de dépendances (télévision, alcool, médicaments…) accentuant encore plus l’état d’isolement.
Parmi les préjugés que l’on a sur les personnes âgées il y en a un qui peut être plus ravageur que l’on ne le pense, c’est celui de penser que la personne âgée n’a plus toute sa tête . Alors même que ses droits restent les mêmes que les droits de chaque citoyen, il y a une tendance à restreindre ses droits et sa liberté sous couvert d’une bienveillance mal placée.
Le plus simple étant encore de donner un exemple concret pour illustrer ces propos. La simple idée de partenaires sexuels pour les résidents d’un établissement de soins de longue durée apparaît choquante et immorale pour la plupart des gens. Ainsi il existe encore des établissements où l’on refuse toute possibilité de vie privée (pourtant censés être des lieux de vie et le domicile de ces personnes). Dans ces établissements toute intimité est écartée, que ce soit lors des visites du conjoint, ou entre résidents. A-t-on oublié que ces personnes sont toujours des adultes libres et consentants et jouissent des mêmes droits que les personnes âgées de 20/30/40 ans ? Ce qui est sûr c’est que tout est fait pour écarter toute possibilité d’intimité (chambres partagées, sans verrous, lits une place, séparation homme femme, séparation de couple). Pour beaucoup d’aînés la vie en institution marque la fin de la liberté sexuelle et amoureuse (comprenant aussi les câlins, les baisers et autres marques d’affections).

Notre perception de la vieillesse évolue avec nous. Pour une personne de 15 ans une personne de 30 ans est une « vieille » à 30 ans on pense la même chose des personnes de 50 ans, et pourtant lorsque l’on traverse ces âges on ne se considère pas comme « vieux ». Il n’y a pas de catégorie « personne âgée » avec des caractéristiques qui la définit. Il y a chaque individu avec ses caractéristiques propres.

Pourtant la peur du vieillissement et la volonté de ne pas appartenir à la catégorie des personnes âgées est vraiment ancrée dans notre société, on le voit avec le développement de crèmes anti-rides/anti-âge ou encore la chirurgie esthétique.

Énoncer toutes les conséquences de l’âgisme serait sans doute trop long, le but ici étant simplement une sensibilisation à ce que peut être l’âgisme. On aurait pu par exemple mettre en évidence les manifestations âgistes dans le milieu médico-social ou dans le système de soin, ou encore traiter de l’âgisme positif qui peut avoir des conséquences sur la société (ex : permettre des tarifs réduits liés à l’âge ne prend pas en compte le revenu des personnes, ainsi des personnes bénéficient de réductions alors même qu’elles pourraient ne pas en avoir besoin financièrement).

C’est collectivement, et en apprenant à repérer les actes discriminants du quotidien que les visions peuvent changer. Ensuite, libre à chacun de vouloir ou non réagir activement face à toute forme de discrimination ou même de vouloir modifier son approche des relations humaines.

L’essentiel étant avant tous de toujours garder à l’esprit que certaines façons de penser ne sont pas de notre fait mais de celui de la société, afin de permettre une déconstruction des préjugés et stéréotypes, permettre aux aînés de retrouver leur place au sein de la société et enrayer un phénomène discriminant qui dure depuis bien trop longtemps.

L’intérêt étant aussi personnel, au nom d’une pleine liberté de pensée.

Marencak nicolas

CIF-SP

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