Déclaration du CIF-SP contre les propos âgistes en cette période de confinement

Réponse du CIF-SP à Christophe Barbier et aux autres qui n’en penseraient pas moins….

Christophe Barbier: « Pour sauver quelques vies de personnes très âgées, on va mettre au chômage des milliers de gens ? » sur une chaîne d’info en continue le 25 février 2020.

Monsieur Barbier (et les autres), notre association lutte au quotidien par des actions pour que les personnes âgées ne soient pas isolées et elle réfléchit à la cause profonde de cet isolement. Cette cause se nomme l’âgisme, une discrimination si répandue qu’elle est peu combattue. Votre assertion est fausse aux demeurant car plus de 80% des victimes sont des personnes dites âgées et les décès en EHPAD représentent 40% du total, alors que les résidents des EHPAD constituent environ 1% de de la population en France : le risque létal du Covid-19 ne vise donc pas que « quelques personnes très âgées » et une bonne partie d’entre elles n’est d’ailleurs pas sauvée. Mais le plus grave est de stigmatiser une partie de la population. En effet, imaginons, que vous ayez déclaré : pour sauver quelques vies de femmes, ou quelques vies de noir(e)s, d’homosexuels, ou d’autres parties de la population qui subissent des discriminations sur la base de la croyance dans leur différence et infériorité naturelle. C’est non seulement moralement inadmissible, mais aussi illégal.

Lutter comme nous le faisons pour l’inclusion des « vieux «  et des « vieilles » n’est pas simplement une approche morale : il s’agit de se battre pour le type d’humanité que nous voulons. Aucune société humaine ne peut vivre durablement sans toutes ses composantes, et aucune de ces composantes ne peut être sacrifiée en cas de contrainte sur les ressources, car cela expose le collectif à un avenir démuni de résilience. Nous ne devons pas plus de respect aux personnes âgées qu’aux autres, mais pas moins non plus. Outre le fait qu’on ne sait pas définir ce qu’est une personne âgée, et nous sommes tous ou presque des personnes âgées par rapport à d’autres autour de nous, ce qui compte est l’égalité des droits et des devoirs. La petite musique qui monte en ce moment, comme dans toutes les sociétés abondantes dès qu’elles subissent une petite crise, c’est une stigmatisation de gens en fonction de critères plus ou moins sérieux. Les bénéficiaires du RSA seraient des profiteurs, les homosexuels sont vecteurs du Covid-19, et j’en passe sur les absurdités qui se diffusent en ce moment sur les étrangers, les prisonniers ou les gens du voyage.

Désigner les personnes âgées qui mettraient en danger « votre » réalité économique, c’est tout simplement une vision fausse et suicidaire de notre société.

Les sociétés humaines dites primitives ont une intelligence bien plus fine de leur milieu et de ses interactions. Si certains peuples premiers sacrifient les vieux et les malades face à un manque de ressources, d’autres ont trouvé les techniques et les moyens intelligents de ne pas faire ce tri.

Le verni d’humanité qui se fissure en ce moment est effrayant, vous êtes effrayants.

Notre société extrêmement riche va peut-être perdre 10 à 20 % du PIB, mais elle peut en perdre 80 % qu’objectivement il y a toujours suffisamment de quoi se nourrir, se loger, se chauffer, apprendre et se soigner. La production et la répartition sont des décisions politiques, la force de travail est encore là. Vous mettez dans la balance les personnes âgées, contre des emplois. Mais la notion d’emploi est propre à votre vision de l’économie. Ce qui est important c’est le travail, ou dit de manière plus claire, l’utilité sociale. Une division entre salariés et retraités est une grille de lecture : elle n’est pas une réalité anthropologique. La richesse produite est complexe. Les personnes âgées, tout comme les jeunes, sont indispensables à l’avenir et nous l’avons bien vu : rappelez-vous le casse tête des gardes d’enfant, quand les grands-parents n’auraient pas dû être en contact avec eux, ou encore les 15 jours de flottement de grandes associations de solidarité notamment alimentaire reposant sur une main d’oeuvre bénévole en grande partie composée de retraité désormais eux aussi confinés. Mais les très âgées que vous visez, sont celles (oui, en grande majorité des femmes) que beaucoup trop de gens pensent inutiles. Il est dit qu’on leur devrait le respect car elles ont été là avant. C’est une pensée biaisée, parfois pleine de bienveillance, mais la bienveillance est souvent source de domination. Nous l’affirmons : le travail de ces vieux est bien là, toujours présent : les maisons bâties, les adultes qui ont été instruits étant enfants, les champs entretenus, nos vies sauvées et encore vivantes aujourd’hui par des vieillards qui étaient soignant(e)s. Vous défendez souvent les actionnaires car ils investissent un jour pour l’avenir et donc il est normal qu’ils reçoivent un jour la contrepartie. Mais c’est autrement plus vrai pour l’immense majorité des personnes âgées. Leur travail est bien d’actualité. Il nous fait aujourd’hui vivre.

Nous pouvons approfondir encore. Dans une société de la vitesse ou plus personne ne maîtrise les techniques au delà d’un champ réduit, qui a les ressources et les connaissances qui permettront à la société de s’en sortir en cas de crises très probables et à répétition qui vont venir ? Agriculture, métallurgie, construction.. ces vieux que vous voulez sacrifier ont en eux une part de notre avenir, dans la mémoire de leurs têtes et leurs mains.

Certains vont dire oui, mais les gens dépendants, que peuvent-ils nous apporter ? Je ne citerai qu’un exemple, celui de Stephen Hawking, décédé à 76 ans mais qui était en totale perte d’autonomie fonctionnelle depuis des décennies. L’humanité a trouvé les moyens de faire qu’il continue à l’enrichir, à nous enrichir. L’avenir, une vraie démocratie c’est aussi cela. Se donner les moyens que chacun participe au collectif à sa manière, à sa vitesse.

Notre association est intergénérationnelle, nous nous exprimons aussi, avec tous les retours que nous avons des personnes dites « âgées », qui développe en ce moment un sentiment d’inégalité, de ne plus être des citoyens à part entière avec la récurrence de ce type de propos. Vos propos sont irresponsables de surcroît sur un média très écouté, notamment par des personnes très âgées.

CIF-SP « Solidaires entre les âges »

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